Expresso 2024
Expresso 2024 : ” Et pendant ce temps là à Gaza… “

Expresso 2024 : ” Et pendant ce temps là à Gaza… “

Avertissement :

Cet article a été réalisé dans les conditions du ” contre-la-montre ” lors de la 19e édition du festival Expresso de la presse jeune à Paris dans la nuit du 27 au 28 avril 2024.

Il correspond au sujet N°2 : Et pendant ce temps là à Gaza…

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Journal de bord

Jour 368

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Voilà plus d’un an que je suis rentré dans la 41e division. Nous sommes la dernière division a avoir été envoyée pour venir en aide aux soldats israéliens.

Qu’en pensent les supérieurs ? Pas de renfort pendant plus d’un an ! Tout ce qu’ils nous disent, c’est de continuer, ne jamais s’arrêter, bombarder, mitrailler, tuer, encore et encore, contre ces salauds de Palestiniens.

Ce matin, on n’a rien eu à manger. Quand je rentrerai chez moi, on mangera tellement qu’on aura mal au ventre, ma femme et moi. Elle me manque. Si tout se passe bien, je rentre d’ici une semaine. Oui, cette nuit, on lance les nouvelles bombes. Les dégâts qu’elles produisent sont considérables. D’après le général Ayazat, une bombe peut raser les 2/7 de Gaza. À ce rythme, on aura fini demain. Mais alors pourquoi rester une semaine ? Aaron et les autres disent que c’est pour être sûr qu’il n’y aura aucun survivant. On nous dit que les personnes en face sont des monstres, mais nous sommes constitués de la même chair, et on l’a tous constaté en voyant leurs cadavres gisants. Les enjamber devient fastidieux. Le bruit des mitraillettes me rend sourd. Ils n’ont pas ramassé les corps aujourd’hui. C’est Farij et ses collègues qui devaient être de corvée et les ramasser. Sont-ils morts ?

Je veux défendre ma terre, mais je me demande comment va ma famille. J’ai si peu de nouvelles.

Je ne peux m’empêcher de penser à la vie que j’avais avant d’être en service militaire. Honnêtement, je ne sais même pas pourquoi je suis là.

Il faut tenir jusqu’à la semaine prochaine. On est plus que 4 de mon village, les autres sont morts. On a peu de temps pour se reposer : les effectifs baissent et la charge de travail augmente. À Gaza et dans les tranchées en face ça doit être pareil. Pourquoi n’arrêtent-t-ils pas ? Pourquoi n’arrête t-on pas ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Des bombes qui peuvent détruire 2/7 d’une ville !

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Comment en est-on arrivé là ? Je vois le sang des cadavres qui a rendu le ciel rouge. Je vois les cendres des explosions qui ont rendu le ciel gris. La lumière de vie des explosions crée l’obscurité de la mort. Je m’en rapproche… La terre est une étendue de pierres et de corps. Il y a tellement de sang qu’elle ressemble à une artère. Le silence est si puissant qu’il semble volontaire, symbolisant une paix dans la guerre. Plus rien ne bouge, le temps s’est figé, le vent s’est arrêté. Comment on en est arrivé là ? J’ai toujours vécu dans l’inquiétude mais l’espoir était mon attitude. Je rêve sans prendre trop d’altitude, mais j’ai été rattrapé par la magnitude, mon cœur n’as pas failli malgré les pertes, les chutes, l’abondance. La prospérité a fini par freiner, s’estomper, espérer sans cesse… La guerre, la mort de mères, de frères, le vol de mes terres… J’ai vu les choses différemment, et après tout quelles ont été les causes véritables ? Je me suis armé pour ma foi . J’ai fait des erreurs qui m’ont fait commettre des impiétés. Je suis rempli de regrets, mais qui suis-je pour remettre en question mon destin ? Je suis assis entre la mer et la terre, entre la vie et la mort. Mon sang coule de mes deux trous rouge aux côtés droit. Je passerai bientôt l’arme à gauche. Si seulement vous saviez, il me reste juste assez de force pour prononcer la chahada. Je m’en rapproche, de la mort je suis proche.

Lou-Meï & Yani