Société
Comment les tendances de la mode reflètent l’état économique de notre société

Comment les tendances de la mode reflètent l’état économique de notre société

Bien que nous ayons tous remarqué que les tendances de la mode fonctionnent dans un cycle et donc finissent toujours par revenir à un moment donné —quoique légèrement différentes à chaque fois— nous avons rarement l’occasion d’entendre parler de la façon dont ces prétendues tendances sont “provoquées” par l’état économique de la société. L’exemple parfait pour étudier ce phénomène est le choc entre “Maximalisme” et “Minimalisme”.

 

La montée du “Recession Core”

La crise de 2008 ou Grande Récession a provoqué une augmentation de 3% du chômage mondial et un effondrement de 15% du commerce mondial. Avec la baisse du pouvoir d’achat, les consommateurs ont dû adopter une nouvelle façon de faire du shopping, et les marques les ont suivies, entraînant ainsi la mort de l’esthétique colorée des années 2000.

En effet, avant 2008, les tenues étaient principalement maximalistes, colorées et diverses. Les gens achetaient des boléros colorés, superposaient les hauts en les agrémentant de tonnes de colliers dits “chunky” et autres accessoires.

Au contraire, après 2008, les gens ne pouvaient plus se permettre d’acheter des pièces avec lesquelles ils ne pourraient faire qu’une à deux tenues. Ils ont donc dû se mettre à acheter plus intelligemment pour continuer à s’amuser avec la mode. Ainsi, le maximalisme est mort et le règne du minimalisme a débuté.

Les marques ont commercialisé des vêtements basiques avec lesquels il était beaucoup plus simple de jouer en terme de tenues. Les couleurs vives des années 2000 ont disparu pour être remplacées par une nouvelle palette de couleurs : le noir, le blanc, le beige et d’autres couleurs “nude” étaient maintenant les principales présentes dans les rayons.

Le maximalisme est devenu un “truc de riches”, un étalage de richesse dans un monde où la majorité des gens luttaient pour s’en sortir. Les strass ont disparu des vêtements, et tout élément ostentatoire était vu comme mesquin.

Crédits : Dupe Photos – Un exemple plus récent d’une tenue “recession core” (à noter que l’esthétique a fait son retour après la crise du Covid-19)

Puisque les personnes les plus aisées souhaitaient encore se procurer des articles de luxe, les marques se sont également adaptées à la récession en proposant des designs plus discrets,  souvent sans logos, donc beaucoup moins criards que les motifs monogrammes habituels.

Crédits : Alamy Stock – Le fameux sac Birkin de chez Hermès a vu son nombre de vente exploser à ce moment-là

La renaissance des détails

Avec le retour de la stabilité financière dans les années 2010, la mode a pris un tournant. En effet, le début des années 2010 a vu l’émergence de deux esthétiques : d’un côté, des tenues colorées considérées comme pouvant être portée à la fois au travail et en soirée, et de l’autre, sa presque “némésis”, une esthétique grunge. Les deux cohabitaient sur les réseaux sociaux, le premier plus présent sur Instagram, et le deuxième sur Tumblr.

Bien que le premier était encore dans la longueur d’onde de la mode pratique que nous avons vu après 2008, il était également et principalement inspiré par les années 1980. Blazers amples, jeans aux couleurs flashy ou écharpes dites “infinies”, le début des années 2010 — de 2010 à 2013 — a été un véritable plongeon dans ce que nous avons appelé le tenues “day-to-night” , c’est à dire qui pouvaient être portées aussi bien au travail, que pour sortir le soir, sans avoir besoin de se changer. Cette transition du style minimaliste de la fin des années 2000 était encore très douce par rapport à l’esthétique “grunge” qui a suivi.

Tenues soft grunge telles que vues en 2014
Crédits : Emiliuks sur Tumblr

En effet, l’esthétique “soft grunge”, qui a régné sur le réseau social Tumblr d’environ 2013 à 2015, était beaucoup plus audacieuse en termes de tenues. Collants déchirés, jupes patineuses, tee-shirts à l’effigie de groupes de rock ou encore les fameuses bottes “Lita” de Jeffrey Campbell, ce look n’était pas vraiment l’uniforme idéal pour une journée de travail. Suivi par le battage médiatique autour du groupe Arctic Monkeys et de la “poésie tumblr”, ce style unique, très diversifié et moins polyvalent que le style minimaliste qui était à la mode depuis des années, a montré une réelle évolution de l’état économique de notre société. Les gens se sentaient plus libres dans leurs possibilités de dépenser et pouvaient donc se permettre un look plus extraordinaire qui n’était pas aussi pratique que le “day-to-night” ou le minimalisme.

Crédits: Photo by Emma Thatcher/Shutterstock Les fameuses bottes Lita de chez Jeffrey Campbell

Les célébrités ont également adopté ces looks dans leur style de la vie de tous les jours, inspirant beaucoup d’autres à le faire aussi bien. 

On notera néanmoins l’absence quasi-totale de logos, signe que l’exposition de richesse n’était pas encore revenu à la mode.

Ainsi, les tendances du début des années 2010 étaient un grand pas vers ce qui est aujourd’hui considéré à la mode, et elles reflétaient totalement notre économie.

Illustration réalisée par Numa, illustrateur du journal

Sources :

How Do Recessions Impact Fashion Trends? Beyond the Hemline Index 

https://www.linkedin.com/pulse/learn-from-experience-how-did-luxury-brands-cope-2008-chaturvedi

https://www.thecut.com/2020/08/the-incredibly-polarizing-lita-shoe.html

https://www.buzzfeed.com/kristenharris1/2010s-trends-should-return