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Interview de Pierre Haski (2/3) – conflit israélo-palestinien : « il faut se remettre à croire en une paix possible »

Interview de Pierre Haski (2/3) – conflit israélo-palestinien : « il faut se remettre à croire en une paix possible »

« Rien ne nous avait préparés à la barbarie commise sur le sol israélien le 7 octobre 2023 » écrit l’éditorialiste géopolitique de la matinale de France Inter, et président de l’ONG Reporters sans frontière, Pierre Haski dans son dernier ouvrage, « Une Terre doublement promise, Israël-Palestine : un siècle de conflit » (Stock). Dans celui-ci, le journaliste revient sur l’histoire du conflit israélo-palestinien, depuis les débuts du Sionisme jusqu’à aujourd’hui. Il développe aussi une analyse captivante, mêlant ses expériences personnelles en tant que correspondant à Jérusalem en 1993 ainsi que ses différents articles sur le sujet. La deuxième partie de notre interview se focalise sur quelques aspects du conflit israélo-palestinien.

LTET: Pourquoi l’histoire a joué un rôle déterminant dans le conflit israélo-palestinien ?

© Fouad Elkoury

Dans la tragédie israélo-palestienne, l’histoire joue un rôle central en raison des événements traumatiques tel que la Shoah ou l’expulsion des Palestiniens en 1948. Ces événements terriblement ancrés dans les consciences de chaque peuple, créent des obstacles majeurs à la résolution du conflit. Tant que chaque partie ne comprend pas ce qu’il y a dans la tête de l’autre, il n’y a aucune passerelle possible. C’est une des tragédies d’aujourd’hui.

Cette tragédie renvoie aussi à notre propre histoire. Au moment des accords d’Oslo, on pensait que la paix était possible. Les Israéliens me disaient : « nous devrions faire comme vous les Français et les Allemands, vous vous êtes faits la guerre pendant un siècle et à un moment, il y a des dirigeants qui sont arrivés et qui ont changé le cours de l’histoire. Nous, il faut que l’on fasse pareil. » Ces moments comme celui-là sont marquants parce qu’ils sont possibles.

LTET: Dans votre livre vous évoquez deux réactions face à la tragédie israélo-palestinienne : soit «nous pouvons baisser les bras devant ce déferlement de violence » soit « en prenant en compte la douleur des uns et des autres, tenter de tisser à nouveau le fil d’une cohabitation sur la même terre, dans la paix, la sécurité et la dignité » Comment voulez-vous « tenter de tisser à nouveau le fil d’une cohabitation sur la même terre » ?

Lorsque les accords d’Oslo de 1993 ont échoué, beaucoup de personnes ont conclu que la paix était impossible et que cela allait être la confrontation éternelle. Après les événements terribles du 7 octobre et la guerre qui s’en est suivie, et, que nous sommes encore en train de vivre aujourd’hui, il faut se remettre à croire en une paix possible. Il faudrait que des personnalités politiques du côté palestinien et du côté israélien, comme cela a été fait par le passé, construisent la paix et refusent de continuer à se combattre tous les dix ans, les trente ans et les cinquante ans.

Aujourd’hui de nombreux Palestiniens et Israéliens se sont inscrits dans une confrontation perpétuelle. Le degré de violence étant encore plus important que précédemment devrait au contraire, encourager les assaillants à se dire que ce n’est pas parce que la paix a échoué une fois, qu’elle n’est pas possible. La situation de paix doit être essayée une deuxième fois, une troisième fois jusqu’à ce que l’on trouve un équilibre. Ce qui manque aujourd’hui, c’est ce discours là. Il est absent. Je suis convaincu qu’il sera possible un jour. Pour cela, il faut à la fois des acteurs responsables et courageux des deux côtés et une aide de la communauté internationale. Les antagonismes, les haines, les rancœurs sont trop fortes pour être surmontés tous seuls. C’est un rôle important à jouer pour le reste du monde, en particulier pour les Américains qui sont les plus influents dans cette région du monde.

Affiche d’un mouvement pacifiste : les drapeaux israélien et palestinien et le mot « paix » écrit en arabe et en hébreu ©Wikimediacommons

LTET: Pourquoi la colonisation est-elle un problème important dans le conflit israélo-palestinien ?

C’est un problème énorme parce qu’elle a été faite en terme de fait accompli c’est à dire de construction sur le terrain des colonies. Les colonies sont très difficiles à défaire. Je ne vois pas aujourd’hui, dans le contexte actuel, quel gouvernement aura la force, la légitimité et le courage de se lancer dans le reflux de ce mouvement. On ne peut pas imaginer d’avoir la paix sans revenir en arrière sur un certain nombre de choses, à commencer par les colonisations d’Hébron qui sont absolument insupportables.

 

« Les Israéliens me disaient : « nous devrions faire comme vous les Français et les Allemands, vous vous êtes faits la guerre pendant un siècle et à un moment, il y a des dirigeants qui sont arrivés et qui ont changé le cours de l’histoire. Nous il faut que l’on fasse pareil. » Ces moments comme celui-là sont marquants parce qu’ils sont possibles. »

 

Suite de l’interview dans la partie 3

La Terre en Thiers, 5 mars 2024