Libre expression
La langue natale, une pièce maîtresse de notre identité

La langue natale, une pièce maîtresse de notre identité

[…] speaking Ibgo as she did to him only when she was angry, and Ifemelu worried that it would become for him the language of strife.” (Americanah, Chapitre 17, Chimamanda Ngozie Adichie)

Il est difficile de s’imaginer une existence sans sa langue maternelle, celle qui nous a vu grandir, avec laquelle nous sommes nés. De bien des façons, il nous arrive de penser, parfois, à un monde où cette langue que nous connaissons si bien (et ici, il n’est pas question de grammaire ou d’orthographe mais bien de la facilité déconcertante avec laquelle nous plongeons en nous-mêmes grâce à celle-ci) s’efface au point de devenir vide, un manque, une absence déconcertante. 

Pourtant, s’il est impossible de naître sans langue (puisque toutes les sociétés en possèdent une), cela ne devrait pas sembler si étrange de s’imaginer en maîtriser une autre, toute aussi belle, toute aussi riche. Or, voilà que l’on se retrouve au pied du mur : qu’est ce qui rend ma langue aussi différente des autres ?

La langue, tout d’abord, est un moyen de communiquer. Il en existe une multitude, trop nombreuses à décompter (consensus à 7000 environ), et chacune nous relie à une partie de notre passé, de notre culture et de notre appartenance à une communauté ou un groupe particulier. Elle est souvent un moyen de se démarquer au sein même d’une communauté, séparant, entre autres, les ‘connaisseurs’ et les autres.

Mon plus grand regret, c’est que tu ne parles pas Kabyle” a dit un jour une tante à sa nièce, lui signifiant ainsi qu’elle resterait d’une certaine façon à jamais étrangère, exclue par sa propre langue incomprise à jamais.

I just want to love you in my own language.” – Alt-J, 3WW

 

Or, maîtriser cette langue maternelle, c’est avant tout s’assurer d’un bon développement cognitif et intellectuel de l’enfant, si bien que l’UNESCO valorise l’éducation par la langue maternelle, “c’est crucial, particulièrement à l’école primaire pour éviter des lacunes dans les connaissances et augmenter la vitesse d’apprentissage et de compréhension” (UNESCO), mais c’est aussi le meilleur moyen de ressentir. Elle bâtit une fondation culturelle, sociale, qui nous permet de créer du lien avec notre famille par exemple.

Ainsi, la langue natale n’est pas que langue des autres mais langue de nous-mêmes. Elle nous entoure, nous enivre de ses subtilités et devient non seulement une pratique mais aussi une partie de nous. C’est parce qu’elle devient si personnelle, parce qu’elle se détache de toutes les autres qui semblent être, jusqu’à ce qu’on les apprenne, des énigmes insolubles, qu’elle devient elle aussi si difficile à décrire. Ô combien de fois n’avons nous pas entendu la fameuse phrase “je ne sais pas, c’est comme ça” après avoir demandé une précision linguistique particulière ?

Illustration réalisée par Numa, illustrateur du journal

C’est donc avec une certaine affection que l’on se replonge dans les livres de sa jeunesse, des sons familiers, des rimes apprises à un jeune âge qui nous ramènent pendant quelques instants dans un univers passé et pourtant toujours ancré dans le présent.

Sources :

Americanah, Chimamanda Ngozi Adichie, 2013

Muséum D’Histoire Naturelle : Combien de langues sont parlées dans le monde ?

Why mother language-based education is essential

Language and Culture

Mother tongue is critically important for cognitive, psychological and personality development, education and learning

Understanding of the Importance of Mother Tongue Learning