Imagination
Chroniques d’Andostra. La Symphonie des anges (5)

Chroniques d’Andostra. La Symphonie des anges (5)

Voici la suite de notre roman-feuilleton, écrit par Maxence. Titre du cinquième chapitre des Chroniques d’Andostra, la Symphonie des anges:

“La tour des Songes”.

Chapitre 5 : La tour des Songes

L’enveloppe laiteuse qui me baignait disparut peu à peu, laissant place aux contours de plus en plus nets des lieux dans lesquels je me trouvais : une large porte aux bordures luminescentes se dessina nettement juste en face de moi, marquée de mon nom en lettres que je devinais magiques. Après ce voyage dans l’élévateur, une légère nausée vint me tourmenter, nausée qui disparu aussitôt que je repris mon souffle. Fenelor me salua, et disparut dans un éclair après m’avoir donné les indications pour rentrer dans mes appartements : il me suffisait de me placer devant la porte et de dire mon nom à haute voix, porte qui ne pouvait normalement s’ouvrir qu’au son de cette dernière. Ainsi, je pris une grande inspiration, et, une fois placé devant ma porte, je déclamai un « Eandal Rougebraise » plus qu’hésitant. Malgré tout, la pièce s’ouvrit à moi, et je pénétrai pour la première fois dans mon « nid » personnel.

En plus d’être spacieuse, ma chambre était richement décorée, et elle était séparée en quatre espaces séparés par des cloisons : la chambre à proprement parler, le salon, la cuisine et la salle des bains. Ainsi, j’étais totalement indépendant, ou presque.  Je fis donc le tour des lieux, en commençant par la cuisine ; bien qu’elle ne soit pas très grande en elle-même, elle offrait un confort sans pareil, et était équipée d’une multitude d’ustensiles, que je découvrais pour la plupart. D’étranges conduits luminescents alimentaient la cuisine en eau , de sorte que je ne perde pas de temps à la chercher au puit,  ce qui me changeait grandement de mon ancienne vie. A côté, un autre conduit du même type, mais plus gros, crachait des denrées diverses et variées, qui me permettraient de cuisiner mes propres repas. Les fourneaux semblaient eux aussi magiques : ils brûlaient sans bois, alimentés par une flamme jaune, dont la lueur m’apaisait quelque peu.

Après avoir fouillé dans les tiroirs et étagères qui composaient le reste de la cuisine, je me dirigeai vers le salon : il était très spacieux, éclairé par des pierres de lumières comme dans la salle du trône, et des fenêtres s’ouvrait sur la citadelle dont j’avais, depuis cette hauteur, une vue d’ensemble. Des plantes grimpantes parcouraient les murs, donnant à la pièce un vague air de jungle, renforcé par les fleurs disposée çà et là qui embaumaient l’air de leur doux parfum. Au milieu, une table en bois, ronde et suffisamment grande pour y placer quatre couverts, était placée de sorte à pouvoir admirer le salon dans son ensemble ; par ailleurs, un grand chandelier tenait des bougies bleutées qui brûlaient sans faire couler ne serait-ce qu’une goutte de cire. Du côté de la mer, une fenêtre, plus large que les autres, permettait de profiter pleinement du paysage ; d’ailleurs, un fauteuil bien rembourré était disposé en face, fauteuil dans lequel je m’avachis, profitant de la vue splendide.  Auprès de la table, une boîte, marquée du sceau royal, attendait d’être ouverte, chose que je fis sans attendre. Bien qu’il n’y ait pas d’ouverture apparente, un symbole étrange brillait légèrement sur un des côtés : en y apposant ma main, la lumière qu’il dégageait devint presque aveuglante, et la boîte s’ouvrit d’un coup ; une voix – celle du roi à ce qu’il me semblait – résonna alors.

« Eandal, voici pour toi mon cadeau de bienvenue. »

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Et en un éclair, une ombre jaillit de la lumière et alla se réfugier dans les plantes, non loin de là. Après m’être remis de mes émotions – mon cœur palpitait encore bien vite – je me dirigeai vers ces plantes, non sans appréhension. C’est alors qu’une tête de louveteau apparut entre deux pots de fleurs, l’air craintif, et je l’incitai à venir me rejoindre, adoptant mon ton le plus rassurant possible. Comme il venait vers moi, je fus frappé d’étonnement : c’était une chimère !

Son corps était vraisemblablement celui d’un loup, mais il avait des yeux de chat et des dents similaires à celles des poissons mangeurs d’homme que les conteurs et aventuriers m’avaient, à maintes reprises, décrits. Des ailes de corbeau étaient sagement repliées sur ses flancs, et des pattes de lézard faisaient un bruit de ventouse sur le sol à mesure qu’il s’approchait de moi. Enfin, sa queue était un mélange de reptile et de félin, et, en ce moment, se trouvait entre ses jambes. Quelques plumes noires tombaient de ses ailes, contrastant ainsi avec la blancheur immaculée de son pelage. J’admirais sa démarche majestueuse quoiqu’hésitante, lorsque, comble de surprise, il prit la parole :

Je vous souhaite le bonjour, maître. Je suis une jeune chimère que le roi a mise à votre service.

  • Je… euh… bien, mais ne m’appelle pas maître, je t’en prie, Eandal, tout simplement, conviendra bien mieux… et comment dois-je t’appeler ?
  • Enëmon, c’est ainsi que ma mère m’a nommé.
  • Eh bien, Enëmon, c’est un plaisir que de t’avoir comme compagnon. Mais je me demande pourquoi le roi a choisi de m’offrir une chimère, tout de même.
  • Les novices arrivent à la citadelle avec un familier, tu sais, qui les accompagnera tout au long de leur vie. Parfois, même, certains des novices, et souvent les plus fortunés, en ont plusieurs.
  • Donc, si j’ai bien compris, tu es mon familier…
  • C’est exact, Eandal, je ferai tout mon possible pour te servir au mieux…
  • Oh, un compagnon avec qui je puisse partager ma vie est déjà bien suffisant, Mon.
  • Mon ?
  • Oui, c’est ton diminutif… tu n’aimes pas ?
  • Ce n’est pas ça, je n’ai simplement pas encore l’habitude, mais je m’y habituerai.

Et la conversation prit fin, brutalement, car ma porte s’était ouverte brutalement d’elle-même – j’avais dû la laisser entrouverte – et j’allais la refermer lorsqu’une silhouette fit son apparition devant moi. Je dis silhouette, car une sorte de voile brumeux l’entourait, de telle sorte que je ne pouvais distinguer les détails de cette forme. Pour sûr, elle était humanoïde, un peu plus petite que moi, et certainement féminine à en juger par sa morphologie. J’avançai vers elle, et elle disparut aussi promptement qu’elle m’était apparue. Je fermai alors la porte, en vérifiant cette fois-ci qu’elle ne s’ouvrirait plus. Je n’étais même plus surpris par ce genre d’événement, à présent ; selon moi, ce qui se passait au sein de cette citadelle défiait toute sorte de logique que je connaissais alors. Je décidai donc de terminer l’inspection de mes appartements, mais je le fis avec l’esprit ailleurs, sans prêter de réelle importance au reste des locaux.

Je me dirigeai vers la salle des bains, et, bien que je ne pensais plus cela possible, la stupéfaction s’empara à nouveau de moi : des plantes exotiques grimpaient sur les murs blancs et fleurissaient çà et là, mêlant leurs parfums aux vapeurs qui s’échappaient de grands bassins aux couleurs et aux températures variées. Je ne savais pas, en revanche, comment une pièce d’une telle envergure pouvait s’incorporer dans la Tour des Songes, et je n’apprendrai que plus tard que la magie pouvait même déformer l’espace.

Je pris alors la décision d’étrenner ces magnifiques bassins. Leur couleur indiquait leur température, mais aussi les sels qui y avaient été disposés ; ainsi, je choisis le bassin orange, dont la chaleur agréable combinée avec les arômes entêtants d’agrumes divers me plongèrent dans un sommeil léger, duquel me sortit Enëmon. Il voulait en effet sortir se promener, et me fit d’ailleurs remarquer qu’il me restait encore un endroit à visiter : les jardins du sorcier.