Interview du photographe Romain Boutillier
A l’occasion de l’inauguration de l’exposition de ses photographies Lost in Camargue au cinéma Artplexe jusqu’au 30 septembre prochain, La Terre en Thiers a pu rencontrer le photographe Romain Boutillier et lui poser quelques questions.
Clichés d’un photographe
Romain Boutillier est photographe depuis plus de 15 ans. Il a commencé en tant qu’assistant portraitiste à Paris avant de réaliser ses propres photos plus artistiques et des commandes pour des magazines.
Il a longtemps fait des commandes pour des guides touristiques, durant lesquels il développait son travail personnel en faisant de la street photographie. Aujourd’hui, il anime des “ workshop ” notamment aux Rencontres d’Arles*, où il accompagne différentes personnes dans leur travail photographique. Il enseigne également la photo dans des lycées professionnels ou auprès d’un jeune public. Le métier de photographe est très polyvalent car comme nous explique Romain Boutillier, afin de gagner sa vie, un photographe peut réaliser des commandes ou encore vendre des tirages (c’est-à-dire des impressions) de ses propres photos.
Le travail personnel peut amener à des résidences, durant lesquelles des artistes sont logés et mènent un projet artistique. Dans le milieu photographique, ils sont sélectionnés sur dossier et travaillent sur une thématique au choix, ce qui leur laisse une grande liberté. Romain Boutillier nous raconte justement sa dernière résidence artistique ayant pour sujet la résistance. Il a choisi de travailler sur le dérèglement climatique, en prenant le cas de la végétalisation et de l’agriculture dans certains villages du Sud. Afin de restituer son travail, il a réalisé plusieurs courts-métrages à l’aide d’une illustratrice, d’une rédactrice, d’une journaliste, et d’un preneur de son (Antoine Chao, qui anime l’émission C’est bientôt demain, sur France Inter).
Une série de photos en noir et blanc, Lost in Camargue
Durant l’année 2021, il a réalisé une série de photos en noir et blanc, Lost in Camargue, avec un appareil argentique (à pellicules). Elle est actuellement exposée au cinéma Artplexe jusqu’au 30 septembre 2024.
Romain Boutillier nous explique que suite à la période pandémique, il ressentait le besoin de partir à l’aventure. Habitant aux portes de la Camargue, il en a profité pour montrer un aspect plus rural de cette région en prenant des photos avec un nouveau point de vue : les symboles camarguais tels que les taureaux, les flamands roses, les chevaux…sont absents, laissant place à un paysage désertique.
Lost in Camargue reprend le chemin parcouru par le photographe afin de prendre ces clichés. Il se perdait volontairement en prenant des petits sentiers car la Camargue est relativement fermée : elle est parsemée par de grandes propriétés, qui ne facilitent pas l’accès à la partie sauvage.
Lost in camargue, c’est également la documentation d’une réalité car pour prendre ces photos, le photographe n’a rien modifié. Toutefois, à travers certaines d’entre elles, on peut croire à une fiction, ou se demander si c’est réellement la Camargue. Le photographe nous dit que lui-même voit des résonances avec certains paysages des Etats-Unis.
Les photos étant en noir et blanc, le côté intemporel de la Camargue, déjà soulevé par le choix des lieux et des paysages, perd le spectateur dans le temps et l’espace.
Les photos sont prises avec un appareil argentique car la méthode de travail est différente de celle d’un appareil numérique. Selon lui, l’argentique nécessite plus de temps (prises de vue, développement,…), ce qui donne plus de valeur aux photos, tandis que la photographie numérique représente une surconsommation d’images.
Il utilise majoritairement des appareils argentiques pour ses projets personnels, contrairement aux commandes qu’il réalise à l’appareil numérique, moins coûteux qu’un tirage : il n’y a pas besoin de développer les photos, les scanner,…
Un métier en mutation
Actuellement, Romain Boutillier souhaite faire un nouveau livre photographique sur la Camargue, mais avec des humains, afin d’avoir “quelque chose de beaucoup plus vivant” et donc opposé à Lost in Camargue. Il écrit également un long métrage, un clip pour sa parodie sur le rap, de nouvelles parodies sur le reggae et sur la chanson française.
L’avenir des photographes est aujourd’hui remis en question par les nouvelles technologies.
Grâce à des logiciels comme Photoshop, il est possible de modifier des photos. Cependant, ces modifications ne laissent plus de marge d’erreur aux photographes car les spectateurs sont habitués à voir des photos « parfaites ».
Avez-vous des conseils pour les jeunes ?
Soyez curieux, explorez à la fois ce qui se fait et ce qui a été fait : un grand nombre de jeunes étudiants qui sortent d’école photo travaillent avec la chambre noire et l’argentique car ils n’ont pas connu ces procédés.
Se faire une culture photographique et cinématographique. Trouver sa place, sa manière, son envie de créer de la photo/vidéo,…
Merci à Romain Boutillier de nous avoir accordé son temps
Merci à Juliette Bertolino pour la co-écriture de cet article
* https://www.rencontres-arles.com/fr
Pour approfondir:
https://www.rencontres-arles.com/fr/artistes/view/1655/romain-boutillier
http://romain.boutillier.free.fr/Site/Home.html