« Back in the U.S.S.R » ?

Depuis l’intégration de la Crimée à la Fédération de Russie, la communauté internationale et l’occident dénoncent avec vigueur le gouvernement de V.Poutine. Mais les raisons de ce conflit sont-elles si simples et renvoient-elles à une cause unique?

Tout d’abord, l’Ukraine est à la base le Grand-Duché de Kiev, qui appartenait à la famille des Rurikides, famille qui a fusionné ses possessions pour former le Tsarat de Russie au XIVe siècle. La Crimée quant à elle n’a été cédée à cette Russie que des siècles après.

En 1961, Khrouchtchev alors chef d’état de l’URSS joint la Crimée à la République d’Ukraine, qui fait donc partie de l’URSS, pour des raisons purement administratives. Après l’éclatement du régime soviétique en 1991, l’Ukraine devient indépendante et conserve ainsi la Crimée. C’est une région où il y a donc une très forte partie de la population qui est russophone et d’origine russe.

Lorsqu’en automne 2013, l’Union Européenne négocie des traités commerciaux avec l’Ukraine, la Russie vit cela comme un « casus belli » et il s’ensuit une opposition entre les deux géants. En effet, chacun désire un rapprochement avec l’Ukraine. L’UE a des vues en termes économiques. Il faut savoir que le salaire moyen ukrainien est inférieur à celui d’un chinois et que le pays comporte beaucoup d’intérêts, production agricole, industrie et un accès important à la mer noire. La Russie voit cela comme une agression car elle a une histoire commune avec l’Ukraine et souhaite étendre son influence géopolitique sur ce pays, notamment pour l’accès à la mer et les enjeux militaires qu’il y a derrière.

Le pays a traversé une grande crise politique et des violences proches de la guerre civile.

L’ancien président M. Ianoukovitch était accusé de corruption et d’exploiter le peuple ukrainien sous la directive du Kremlin. Il a été renversé et remplacé par un gouvernement provisoire mené par Mme Tymochenko, plutôt pro-européenne. Mais il ne faut pas oublier que tout ceci intervient  dans le cadre de l’opposition des deux géants sur l’autel du sang des ukrainiens, car jamais la révolution place Maidan n’aurait été possible sans le soutien de l’Europe et de son « soft power », fermant les yeux sur tout principe de démocratie. A noter aussi que ce fameux gouvernement, censé mettre fin à la « corruption »  et à « l’influence néfaste de la Russie » est composé à 30% de néo-nazis.

Mais ce qui pose apparemment le plus de problème aux yeux des médias et des classes politiques d’Occident, ce serait le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie.

En février dernier, il y a eu suite aux troubles en Ukraine un référendum portant sur la volonté des Criméens de devenir indépendants. Le « oui » l’a emporté à 95% et la Crimée a dans la foulée rejoint la Russie, même si la constitution ukrainienne stipule qu’il aurait fallu un référendum national. Suite à cela, les néo-nazis d’Ukraine ont signifié leur projet de « purger » l’Ukraine de sa population russophone, dans l’Est du pays.

Les pays occidentaux ont vivement dénoncé cet acte de la Russie, comparant V.Poutine à A.Hitler, ou disant que « Jamais les USA ne toléreront que l’on viole les frontières d’un pays » (J.Kerry). Il semble que la mémoire politique soit ici fort sélective,  au vu des actions menées depuis le siècle dernier.

 Quand en 2008, les USA ont fait valoir le droit de souveraineté des populations, ils ont ouvert la boîte de Pandore. C’est ce qui a permis par exemple à l’Albanie de promouvoir l’indépendance du Kosovo au détriment de la Serbie et de l’annexer. En faisant un autre effort de mémoire, on peut alors se rappeler ce qui s’est passé de 1947 à 1991, une période où deux géants faisaient valoir leur intérêt afin d’accroître leur influence et leur puissance, sans gentils ni méchants, simplement une lutte de pouvoir et un pays disputé au milieu.

Au vu de ces éléments, on en revient à se poser la question : « Pourquoi le Kosovo et pas la Crimée ? ».

Nous vivons en France dans un pays qui joue un rôle important dans cette nouvelle lutte de pouvoir,  et où on peut douter de la sincérité de la condamnation des actes de la Russie.

De nouvelles crises sont à venir, notamment au Caucase où l’Arménie et la Géorgie sont soutenues par l’Europe, mais où les mouvements indépendantistes tels que l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie sont soutenus par la Russie. Un nouveau foyer de tension, et d’affrontement entre les deux géants, comme pour l’Ukraine …

N’oublions pas qu’aux yeux de la Russie, l’Ukraine est son territoire d’action, comme cela pouvait être le cas pour la Lybie et le Mali aux yeux de la France, et dans les deux cas l’intervention militaire s’est faite au nom du même principe, de « protection de la population ».

 On ne peut nier qu’il va dans l’intérêt de l’Europe de critiquer les victoires géopolitiques de la Russie, mais alors il faut reconnaître que ces deux puissances jouent au même jeu, d’une façon parfois différente, mais dans un but identique. Un jeu dangereux.

Nathan