Culture
THE CHOICE, une expérience sociologique en plein cœur de Marseille.

THE CHOICE, une expérience sociologique en plein cœur de Marseille.

Focus sur une activité du festival Allez savoir, à Marseille. 

THE CHOICE était une des nombreuses activités du festival Allez Savoir de sciences sociales à Marseille qui avait lieu en ce début d’année scolaire. Présenté par l’association marseillaise Le Tamis, ce jeu sociologique inédit  avait lieu au sein du centre de la Vieille Charité, dans le vieux Marseille.  À faire seul ou en famille, cette activité était une agréable combinaison de sciences humaines et de jeux ludiques qui semblait s’inscrire parfaitement dans la nouvelle édition du festival marseillais. 

LE FESTIVAL ALLEZ SAVOIR ; UNE INVITATION À RÉFLÉCHIR 

Cette année, du 26 au 29 septembre avait lieu le festival de sciences sociales Allez savoir dans différents sites emblématiques de la ville de Marseille tels que le centre de la vieille charité, le bar-cinéma de la Baleine ou encore le musée d’histoire de Marseille.

Diverses activités, expositions ou conférences étaient accessibles à toutes et à tous à travers la nouvelle thématique de cette 5e édition :  « Des obéissances ».

Jouant avec le concept de « désobéissance », l’organisation du festival a encore une fois sélectionné un thème très actuel – bien que celui de la désobéissance ne cesse jamais vraiment de l’être – qui permet cette fois à son public d’explorer des actions qui ont façonné et remodelé les dynamiques personnelles, sociales, politiques ou encore artistiques. 

Ainsi, L’édition 2024 ne déçoit pas, et trouve le moyen de faire réfléchir tous les participants sur des sujets qui les concernent chacune et chacun dans une ambiance légère où se mêlent réflexions personnelles, stimulations intellectuelles, et échanges passionnés ; parfaits ingrédients d’un moment agréable ; seul ou en famille dans des endroits mythiques de la cité phocéenne.  

 

UNE EXPÉRIENCE SOCIALE LUDIQUE : THE CHOICE

Focus sur une activité particulière de cette édition 2024 proposée par l’association de recherche et d’action locale Le Tamis qui réunit des personnes de professions totalement différentes et propose de nombreuses activités ou expériences du même genre. Pendant ces trois jours de festivités intellectuelles, le Tamis proposait donc un jeu sociologique tout particulier : 

THE CHOICE (a science TV show), décrit par ses concepteurs comme une  Fusion absurde entre la célèbre expérience de Milgram* et l’émission de télé-réalité à succès The Voice pendant laquelle, les participantes et participants sont amenés, à travers une série de micro-expériences leur imposant de faire des choix,  à explorer les zones de trouble de leur pouvoir d’agir, d’obéir et de désobéir.

 

DEVENIR UN SUJET D’ÉTUDE 

D’après une expérience personnelle, The Choice est une activité déroutante. En effet, au centre de la Vieille Charité en plein cœur du quartier marseillais mythique du Panier, le visiteur vient avant tout pour écouter ce que l’on a à lui dire. Il s’attend à visiter des expositions, découvrir des œuvres et des lieux, écouter des conférences, peut-être même poser une question à la fin de celles-ci pour le plus courageux•se. Avec The Choice, le spectateur devient brusquement sujet et acteur du festival.

  Et il faut avouer que c’est perturbant. Dans cette antique abbaye, vous êtes soudainement accueilli par des expérimentatrices débordantes d’énergie, dans une cacophonie sonore soutenue  par l’air entraînant de « sugar daddy cool » et vous n’avez pas le temps de réaliser ce qu’il vous arrive, que vous êtes aussitôt attribué à un groupe et entraîné vers une aile du bâtiment. À partir de cet instant, vous êtes officiellement entré dans le jeu et il faut avouer, qu’il est facile de se laisser entraîner par l’air enjoué et dynamiques des sociologues. 

Pourtant, impossible de se sentir complètement à l’aise, car vous évoluez dans l’inconnu et l’expérience sociologique à cette particularité de provoquer un trouble très spécifique, où l’on se demande ; « à partir de maintenant, chacune de mes réactions sera observée et analysée ; que convient-il de faire ? »

Voilà donc qu’en ce samedi après-midi où vous pensiez profiter du confort de l’anonymat pour découvrir la nouvelle édition du festival « Allez-savoir », vous devenez subitement celui que l’on analyse, que l’on décortique du regard, et qui apprend de la désobéissance en apprenant d’abord de lui-même. 

 

L’EXPÉRIENCE-JEU : 

Pendant 55 minutes, le groupe de visiteurs-sujets est constamment observé, ses actions notées et le tout recensé pour être utilisé dans la phase finale du jeu où les acteurs en apprendront plus sur les interprétations sociologiques de leurs actes. 

Mais avant cela, c’est sans trop savoir pourquoi il est là ni ce qu’il fera que le visiteur se soumet à un jeu en trois expériences distinctes : 

  • L’expérience du marshmallow, 
  • La situation de l’ouvrier et du patron 
  • La lutte contre l’entreprise « Daddy-cool »

Dans chacune de ces trois « épreuves », le but est d’observer la capacité de chacun à obéir dans un environnement de groupe. 

En effet, lorsqu’il s’agit de l’expérience du marshmallow, les étudiantes en sociologie  disposent des bonbons à la vue de toutes et tous et assurent qu’elles se tiendront à l’écart dans la minute qui suit et ne se retirent pas sans évidemment insister sur l’interdiction qu’il y a de manger ces bonbons. 

Pour le groupe dans lequel on se trouvait, D’une vingtaine de bonbons au départ, il ne restait plus que 7 pauvres bonbons éparpillés sur la table, signe d’une interdiction que très peu respectée…

La deuxième expérience consistait à suivre les gestes du « patron » pour celui qui était désigné comme « l’ouvrier ». Cela donna lieu à un moment conviviale ou le rire venait confirmer le caractère ludique du jeu, bien que la moitié d’entre nous était en train « d’obéir » aveuglément à son partenaire.

Enfin, l’expérience de l’entreprise « Daddy Cool » était un scénario bien construit où chaque personne du groupe se voyait mesurer son engagement dans la lutte contre cette entreprise qui – selon le scénario – détruisait l’environnement, maltraitait ses employés, et était un lobby puissant.

À chaque palier franchi dans la désobéissance cependant, le groupe risquait des conséquences,. Il s’agissait ainsi de voir jusqu’ou nous pourrions aller dans la désobéissance civile, voire illégale.

 

LA FIN DU JEU COMME INTERPRÉTATION SOCIOLOGIQUE DE L’EXPÉRIENCE. 

La fin du jeu – sous la forme d’un show télévisé – était la finalité sociologique de l’expérience. Moment intéressant où le visiteur peut prendre du recul sur ses réactions lors de l’expérience tandis que les sociologues interprètent les résultats des différents groupes. 

Le moment des confessions – où certaines personnes décidaient de prendre la parole – était particulièrement frappant puisque il était possible de comparer les motivations des interrogés avec les siennes. Même parmi ces quelques individus, les réactions étaient toutes très variées et il en a été retracées certaines pour montrer la diversité des comportements lors de l’expérience.   

  • Une joueuse par exemple, avait préféré saboter l’entreprise « Daddy cool » sans prendre la peine de simplement occuper cette usine (ce qui constituait l’étape précédente du jeu) jugeant cela « inefficace et passablement ennuyeux ».
  • Un autre joueur avait simplement préféré sensibiliser ses proches à la cause, ne préférant aller plus loin par peur des risques encourus.
  • Une autre joueuse (accessoirement intervenante au sein du festival s’étant laissée prêter au jeu) critiquait les personnes s’engageant contre l’entreprise du fait qu’elles s’isolaient du reste de la société, conduisant ainsi à une catégorisation des manifestants néfastes au réel objectif de sensibilisation. Ces comportement différents reflètent en réalité les motivations toutes uniques, propres à chacun qui conduisent les individus à agir pour une cause ; même si cela implique d’entrer dans l’illégalité, et de désobéir.

Ainsi cette expérience sociologique particulièrement ludique apparaît comme une manière inhabituelle ; mais non moins efficace d’amener le visiteur à se questionner sur les enjeux que cristallise la désobéissance aujourd’hui. Et plus particulièrement, cette expérience a été l’occasion de confronter le visiteur à l’impact du groupe sur ses convictions personnelles lors d’une désobéissance collective.

 

*Expérience de Milgram :  Cette expérience sociologique avait pour but de tester les capacités d’obéissance des individus en les confrontant à des situations où obéir signifiait faire souffrir autrui.

-> https://fr.wikipedia.org/wiki/Expérience_de_Milgram