Jacaranda de Gaël Faye face au poids du silence

 Jacaranda est le deuxième roman de Gaël Faye, rappeur, chanteur, auteur-compositeur-interprète et écrivain franco-rwandais . Après Petit pays, son premier roman sorti il y a 8 ans, qui avait connu un fort succès et racontait l’histoire d’un enfant de 10 ans en plein cœur du génocide au Burundi en 1994,  il s’agit désormais de suivre l’histoire de Milan, jeune versaillais d’un père français et d’une mère rwandaise, qui ne parle jamais de son pays d’origine.

À travers une plume fluide, simple et prenante, Gaël Faye aborde des thèmes intimes et d’actualité tels que les traumatismes, les secrets familiaux, la reconstruction des victimes de génocide et le poids de la colonisation.

En 1994, le jeune Milan, découvre des images du génocide rwandais à la télévision. Il est ainsi confronté pour la première fois au pays que sa mère a quitté en 1973. Plus tard, ses parents accueillent chez eux un membre de la famille de sa mère, Claude, jeune rescapé des massacres. Très vite, les deux garçons vont développer une amitié fusionnelle. Mais celle-ci sera de courte durée, car un jour, la mère de Milan lui annonce que Claude est reparti au Rwanda. Il n’en entendra plus trop parler, jusqu’à ce que sa mère l’emmène en voyage avec elle dans son pays natal. Milan, après ce premier voyage, va retourner plusieurs fois au Rwanda puis s’y installera définitivement, afin de se reconnecter avec ses origines et d’en comprendre l’histoire complexe. Là- bas, il nouera des amitiés puissantes avec de jeunes rwandais, qui lui permettront de comprendre petit à petit l’histoire de son pays.

Dans ce récit, Milan est animé par une forte volonté de percer à jour le mutisme de sa mère sur son pays d’origine

Mais, sa curiosité insistante se heurte à l’agacement de sa mère, qui ne veut pas comprendre cet acharnement. Plusieurs personnages sont en quête d’identité, Milan, mais aussi Stella, jeune Rwandaise née juste après le génocide, que l’on voit grandir au fil du roman.

Racontée à travers le récit de plusieurs générations, l’histoire du pays va des débuts de la colonisation européenne, aux premières violences entre Tutsi et Hutu, à la tentative de reconstruction et de réconciliation nationale, à travers notamment les Gacacas. Ces juridictions populaires sont mises en place par le gouvernement pour accélérer les procès de quelques centaines de milliers de personnes accusées de participation au génocide des Tutsi de 1994. On y découvre une population très traumatisée par les souvenirs du génocide, et de plus jeunes générations qui essaient de retrouver l’histoire de leurs parents et de la comprendre, surtout lorsque des familles de victimes cohabitent avec leurs bourreaux d’autrefois.

Gaël Faye montre bien la difficulté de vivre avec un passé aussi pesant : entre besoin d’oublier pour avancer, envie de garder le souvenir des disparus et besoin de justice

Le roman ne traite pas directement du génocide comme Petit Pays, mais plutôt de ses conséquences. Il cherche à comprendre comment les survivants et leurs descendants vivent avec ce traumatisme et comment un pays peut se reconstruire quand victimes et bourreaux doivent coexister dans un processus de réconciliation nationale.

Ce livre met en lumière la responsabilité coloniale : la France, la Belgique et l’Angleterre ont exacerbé les tensions entre Tutsi et Hutu pour mieux régner, ce qui a contribué au génocide.
Cette histoire résonne avec notre contexte aujourd’hui, entre reconnaissance de certains génocides et négation d’autres. Elle est importante pour comprendre les manipulations coloniales qui ont permis des crimes comme ceux perpétrés au Rwanda en 1994.

Pour autant, Jacaranda n’est pas un roman pesant et difficile, bien qu’il soit émouvant et relate des événements tragiques. Grâce à ses personnages attachants et au style d’écriture de Gaël Faye, très agréable, la lecture est plutôt douce. Enfin, il est porteur d’un véritable message d’espoir, de réconciliation et de reconstruction.

Sources:

• Jacaranda de Gaël Faye, paru en août 2024 chez Grasset. Prix Renaudot 2024. Disponible au CDI
• Petit Pays de Gaël Faye, paru en août 2016 chez Grasset. Prix Goncourt des lycéens. Disponible au CDI

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