Expresso 2023
Journalisme à 2 vitesses : les conséquences démocratiques

Journalisme à 2 vitesses : les conséquences démocratiques

40,3 %. C’est le temps d’antenne cumulé d’Eric Zemmour sur l’émission de Cyril Hanouna “Touche pas à mon poste” de septembre à décembre 2021, à quelques mois de l’élection présidentielle, selon Claire Sécail, chercheuse au CNRS. Ce chiffre est marquant et il ne peut que nous interroger sur le traitement des médias des questions politiques.

 

Ces deux secteurs sont profondément imbriqués, en témoigne la liberté de la presse, qui est directement gérée par l’autorité politique. On pense bien sûr à la loi de 1881, mais aussi plus récemment aux atteintes directes ou indirectes à la liberté de la presse. La loi “sécurité globale” votée le 21 mai 2021, limitant la légalité de l’acte de prendre et diffuser des images de policiers a tout d’abord été vu comme une restriction des libertés individuelles, ce qu’elle est, mais en oubliant parfois qu’elle est aussi une restriction de la liberté de la presse, notamment dans la capacité des journalistes à rendre compte des violences policières. La menace de dissolution du média Nantes révoltée par Gérald Darmanin le 21 janvier 2021, accusé d’être “moteur de rassemblements à l’origine de débordements”, inquiète également dans la mesure où aucune personne condamnée ces dernières années ne s’est revendiqué de ce journal.

Il ne serait cependant pas juste de considérer que l’influence entre institutions politiques et médias ne va que dans un sens. Comme on l’a vu plus haut, la gestion des chaînes de télévision peut avoir des conséquences politiques, notamment dans la montée du vote pour l’extrême droite. Nombreuses sont les radios et télévisions qui ont pris des virages radicaux dans ce sens après des rachats.
Les exemples les plus marquants sont ceux qui font suite à des rachats par le groupe Bolloré, comme I-Télé ou Europe 1, ce qui pose le problème plus large de la concentration des médias.

Les médias peuvent également influencer l’opinion publique par des analyses rapides, presque réflexe, en opposition à un long travail de recherche. Cela a par exemple été le cas lors des débats sur la réforme des retraites, les réactions sur le vif à la moindre phrase du gouvernement avaient tendance à se substituer à des analyses plus poussées. Cela se fait dans un but de recherche d’audimat, où il est important de sortir les informations le plus rapidement possible. Ce manque de recul omet parfois de mettre l’accent sur des faits ou des travaux universitaires qui pourrait éclairer le débat public.
Il ne faudrait cependant pas conclure que toutes les rédactions agiraient de la sorte et que cette manière de procéder serait nécessairement mauvaise, elle induit simplement des biais qui sont susceptibles de nuire à la diffusion d’une information de qualité.
Des journalistes ou chercheurs, comme Clément Viktorovitch pour n’en citer qu’un, s’attèlent à un travail d’analyse au-delà d’une fonction de simple relai de l’information.

Si le journalisme revèle le plus souvent d’un travail de qualité, d’autres pratiques de ce métier contribuent à un affaissement de la démocratie notamment à travers le relai d’idées d’extrême droite, des idées qui prônent une démocratie illibérale sur le modèle de Viktor Orbán en Hongrie. Une partie de l’opinion, comme Nathalie Tehio, avocate et bénévole à la Ligue des droits de l’Homme, considère l’arrivée d’un tel régime en France comme une hypothèse plausible et inquiétante.