Débats, luttes & polémiques
Fast fashion : quel est le coût réel de la mode ?

Fast fashion : quel est le coût réel de la mode ?

Dans cette période de solde d’hiver 2019, toutes les grandes enseignes comme Zara ou H&m, sont bondées. Mais quels sont leurs secrets pour vendre leurs articles à des prix aussi bas tout en suivant toujours les tendances ? Quels en sont les conséquences et les solutions ?
Dessin par Angélique
C’est quoi, la fast fashion ?

De l’anglais “fast” qui signifie “rapide” et “fashion”, “la mode”, la fast fashion fait écho aux “fast food”. Comme eux, elle désigne des enseignes bon marché et aux productions rapides, mais cette fois de vêtements, vendant des produits peu chers, de qualité douteuse et fabriqués à la chaîne. Ces compagnies ont pour objectif de produire et de distribuer des collections sans cesse renouvelées en un temps record. Zara par exemple produit plus de 12 000 vêtements différents par an. Tous les articles sont sous-traités dans des pays en voie de développement, où la main-d’oeuvre est peu chère, comme la Chine ou le Bangladesh notamment. Dans le but d’être toujours plus compétitifs entre eux, les magasins n’hésitent pas à baisser la rémunération qu’ils accordent à ces usines du tiers-monde. Cela leur permet d’avoir encore plus de profits. Il faut dire que cette technique de production est très rentable puisque l’industrie de la mode rapporte actuellement 3 milliards de dollars annuels.

La copie pour vendre

Tout va très vite dans cette industrie, alors les marques n’ont plus de temps à consacrer à l’invention de nouveaux designs. Certaines vont alors même jusqu’à voler les créations innovantes de petites enseignes indépendantes. Voici quelques exemples :

Post Instagram de la créatrice Tuesday Bassen Source : son instagram.

 

Tuesday bassen, petite illustratrice américaine vend sur son site Shoptuesday ses produits très reconnaissables. En juillet 2016, l’artiste se rend compte que Zara recopie exactement les quelques pins et patchs qu’elle a inventés. Elle poste alors la photo ci-dessus sur les réseaux comparant à chaque fois à gauche le produit original et à droite la reproduction de Zara.

 

Image comparative des modèles de Forever 21, du modèle de Kanye West et de celui de Hot Girls Eating Pizzas Source : Seventeen.com.

Marta Freedman, la fondatrice de Hot Girls Eating Pizza raconte à Nylon.com “Mon T-shirt a été fait pour faire un clin d’oeil à Kanye, celui de Forever 21 pour faire de l’argent.” (elle fait référence ici au pull de Kanye West où on peut lire “I feel like Pablo” ci-dessus)

Ces vols de petits créateurs sont très problématiques puisqu’ils ne peuvent en aucun cas se défendre face à d’aussi grandes enseignes. Toutes tentatives que les artistes cités précédemment ont pu entreprendre furent un échec.

Mais ce plagiat existe aussi envers les plus grands. Dans une moindre mesure, la copie de défilés haute couture ou de très grandes marques de luxe peut également poser problème. D’abord, parce que le plagiat et la copie ne sont jamais agréables pour qui que ce soit. Le vol artistique est un phénomène très grave et souvent peu pris au sérieux. Ensuite, il entraîne une certaine redondance dans les articles de mode. A l’arrivée, tout le monde finit avec les mêmes vêtements chez soi, et l’originalité est mise au placard.

L’impact sur l’environnement

Chaque année en Europe, sur les 5 millions de tonnes de vêtements mis sur le marché, 4 millions finissent à la poubelle.

En cause, d’abord la mauvaise qualité des vêtements, qui peut être considérée comme une sorte d’obsolescence programmée de la part des producteurs. Frédéric Godard, professeur de psychosociologie des organisations à l’INSEAD (Institut européen d’administration des affaires) en parle à RTS info “Un des gros problèmes de la fast-fashion, c’est que, de façon artificielle, les fabricants se dirigent vers des styles qui vieillissent mal. C’est une forme d’obsolescence programmée, même si les créateurs n’en sont pas conscients.”.

On peut aussi blâmer le comportement récurrent de certains consommateurs consistant à toujours chercher le produit le plus à la mode et à rejeter celui qui ne l’est plus. La plupart du temps, ils ne sont pas conscients des conséquences de leurs actions. Ils ont un comportement passifs qui ne les pousse pas à réfléchir sur la question mais à faire comme tout le monde. La publicité massive joue un grand rôle dans de ce genre de comportement.

Les magasins enfin brûlent une très grande quantité de vêtements invendus. H&m par exemple n’hésite pas à brûler 12 tonnes de vêtements (Source : Le Figaro).

Comme on peut s’en douter, l’impact environnemental est énorme. D’après de nombreuses sources, il ne fait d’ailleurs qu’augmenter et il est plus important que l’impact des livraisons par bateaux et avions réunis. Ce n’est pas étonnant, lorsque l’on sait que l’industrie de la mode est la 2 ème plus polluante au monde après celle du pétrole. En effet , son empreinte carbone représente 10% de l’empreinte mondiale.

L’agriculture intensive y est également pour beaucoup. La totalité du coton utilisé dans la fast fashion est génétiquement modifié. Cette modification a été réalisée pour faire en sorte que les plantes qui ne supportent pas les produits chimiques (fertilisants, pesticides…) puissent mieux les supporter. Mais le problème est que la plante au fil du temps développe une sorte de résistance à tous ces produits. En réponse, les agriculteurs utilisent de plus en plus de produits chimiques. C’est ce qui se passe notamment au Pendjab, la plus grande région consommatrice de pesticides en Inde.

L’impact sur la santé des habitants avoisinants les cultures de coton est désastreux. Le Dr Pritpal Sigh a étudié les habitants d’un village du Pendjab et en a conclu que ces produits chimiques avaient une grande influence sur les maladies congénitales, les cancers ou encore les maladies mentales. Près de 60 enfants de ce village avaient développé ce genre de pathologies.

Le coût humain

À cause de notre société capitaliste, les grands magasins sont en compétition. Ils cherchent alors à tout prix à avoir le plus de profits possibles et donc à faire des économies sur leurs dépenses. Les usines ont alors très peu d’argent, elles se retrouvent elles aussi à devoir faire des économies. Elles ignorent les mesures de sécurité et accordent un salaire de 2 dollars par jour en moyenne à ses salariés. Voilà pourquoi le 24 avril 2013 près de la capitale de Dacca au Bangladesh, Rana Plaza s’effondre. C’est un bâtiment de 8 étages regroupant différents ateliers de confection et travaillant pour différentes marques occidentales notamment H&m, Zara, Primark ou encore Mango. Cette catastrophe engendre 1 127 morts et 2 000 blessés sur les 5 000 y travaillant. Le bâtiment n’était pas sûr. Il y avait des fissures sur les murs. Mais, les ouvriers ont été forcés d’y retourner pour travailler. D’autres catastrophes comme celles-ci ont eu lieu. On peut notamment citer Ali enterprises avec 289 morts ou Tazreen Fashion avec 112 morts.

 

Garment factory in Dhaka, Bangladesh. Photo by Tareq Salahuddin/Wikimedia Commons

Les produits chimiques auxquels sont exposés les travailleurs sont également très dangereux, surtout pour les enfants. Car les enfants travaillant dans ces usines font parfois 64h de travail par semaine. Ce qui cause inévitablement des problèmes de santé, comme pour les enfants du village du Pendjab.

Cette exploitation d’individus a entraîné de nombreuses manifestations, au Cambodge par exemple. Les ouvriers demandant un salaire minimum de 160 euros par mois ont subi de nombreuses répressions policières. Parmi les centaines de milliers de manifestants, 6 y trouvèrent la mort et 60 furent blessés.

Quelles solutions ?

Maintenant que nous connaissons l’horreur de cette industrie : que pouvons-nous faire en tant que consommateurs pour améliorer les choses ? D’abord, il faut faire des choix intelligents. Il s’agit essentiellement d’acheter consciemment, de se poser les bonnes questions (d’où vient l’article ? dans quelles conditions a-t-il été fabriqué ?). Pour éviter le gaspillage, il vaut mieux ne pas acheter lorsque l’on n’en a pas besoin. Fini l’achat compulsif, les “bonnes affaires”…

Ensuite, évidemment il faut à tout prix bannir les grandes enseignes. Pour les plus petits budgets, la meilleure solution reste les friperies et les sites d’occasions telle que Vinted, Leboncoin, United Wardrobe… Pour les plus grandes bourses et surtout les personnes souhaitant acheter des vêtements qui durent, de bonne qualité, qui ne nuisent pas à l’environnement et qui n’exploitent pas d’autres personnes, il y a les marques éthiques comme Armedangels, People Tree, Dedicated Loom. Une fois que le vêtement est usé ou qu’il ne nous plait plus, il faut le recycler, lui donner une deuxième vie, le vendre

Au plus il y aura de personnes se posant des questions sur ce sujet, au mieux nous pourrons changer cette industrie et la rendre meilleure pour nous et pour les autres. Alors, le plus important reste d’éveiller les consciences autour de soi.

Pour aller plus loin :

Sources :