L’adoption pour tous: un vol-et de l’égalité

23 octobre 2012. Le Mans.

Quoi de mieux que, par une longue journée maussade, sortir intrigué par le bruit de toute une ribambelle de mouettes railleuses, hurlantes, gesticulantes, arborant le « droit » à un père et une mère ? D’autant plus intéressant que des mouettes au Mans, c’est assez inhabituel. Autant profiter de ce spectacle qu’on pouvait espérer grandiose…

Déception. Il faut l’avouer: l’étroitesse d’esprit de certains, jamais, ne sera une démonstration artistique. Et encore, si seulement ça s’arrêtait là…

On se retrouve alors pris par une démonstration (de force ?) d’un groupe, bombinant et clamant haut et fort la nécessité à tout enfant d’avoir un père et une mère, et non pas deux mères ou deux pères, vous l’aurez compris.

Plus sérieusement, ce mouvement, dans la journée du 23 octobre 2012, est à l’origine de nombreuses manifestations dans 75 villes de France (Pairs, Angers, Le Mans, Toulon, etc) et tout ceci au nom d’un « rassemblement de sensibilisation aux droits des enfants »

Revenons aux bases tout d’abord.

Ce mouvement a été lancé à l’appel de l’Alliance Vita, fondée en 1993 par Christine Boutin (oui, oui, celle là même qui s’oppose encore à l’IVG).

La contestation a redoublé depuis quelques temps.

Lors de l’élection présidentielle en mai dernier, faire rentrer dans le droit civil le fait que deux personnes du même sexe puissent se marier ET adopter des enfants était l’une des propositions du candidat Hollande. La droite et l’extrême droite s’y sont fortement opposées durant la campagne et continuent à le faire aujourd’hui.

Il est temps de remettre un peu les choses au point, et de faire fermer leur bec à ces volatiles perchés sur leurs certitudes archaïques.

De quoi parlons-nous lorsque l’on cherche à définir ce qu’est l’adoption d’un enfant ?

On parle en premier lieu d’un être humain, qui plus est « abandonné ». L’acte d’adoption n’est pas à considérer comme le fruit d’une volonté de conformisme social (i.e. avoir un représentant à sa mort dans un but de subsistance morale pour compenser la disparition physique) mais d’un désir d’offrir de l’amour.

Il n’apparaît donc pas inadéquat d’imaginer un couple homosexuel offrir sa protection et son affection à un enfant, car c’est bien de cela qu’il s’agit. On entend souvent ces pies railleuses clamer l’aspect contre-nature de la chose, mais encore faudrait-il que le fait d’élever un enfant représente une loi naturelle et universelle, applicable à toutes les espèces de la Création… Jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas le cas.

Nous parlons bien, donc, d’affection, et non de conformisme car la supposée importance d’un père et d’une mère présents dans le développement de l’enfant est un concept purement humain. Dans ce cas, autant interdire le divorce.

L’alliance Vita se présente comme l’association désireuse de remettre l’enfant au coeur du problème. En effet, selon ses dires, deux personnes du même sexe ne pourront offrir un soutien psychologique suffisant face aux railleries d’une société encore en partie fermée à toute innovation sociale.

Il est vrai, que les opinions « ineptiques » ne sont que persécutions morales et indignations. Le changement effraie.

Mais y-a-t-il évolution positive s’il n’y a pas à l’origine d’impulsion première ?

Le rôle de l’Etat est alors de mettre en marche, face à la contestation minoritaire (selon les derniers sondages 52% des français sont en faveur de l’adoption d’enfants par des couples homosexuels, source: Le Monde), des évolutions découlant d’une demande.

Donnons un exemple. La loi IVG n’a-t-elle pas été une des lois les plus contestées lors de son vote en 1975 ? Cependant n’est-ce pas aujourd’hui une possibilité reconnue par tous (sauf bien entendu les irréductibles comme le FN, toujours à l’affût des contestations possibles en tout genre, et le Vatican dont les membres sont, comme chacun sait, spécialistes de la sexualité)

Il est nécessaire, non pas de crier au meurtre, mais de prendre en main les demandes humainement compréhensibles afin qu’elles évoluent dans le bon sens.

Une communauté ne peut grandir qu’à partir de grandes impulsions initiées par un gouvernement d’ambition et progressiste.

Il nous faut nous soustraire également des opinions religieuses, respectables le plus souvent, mais incompatibles avec les décisions politiques dans un Etat laïc comme le nôtre. Puis, jusqu’à preuve du contraire, aucun sang ne coule dans les fleuves des pays ayant autorisé le mariage pour tous (comme la Belgique, qui l’a autorisé ainsi que l’adoption pour tous et ce depuis 2006, et avec succès). Est-ce rêver que d’espérer qu’un jour l’Eglise revienne sur ses positions ? Car elle n’est pas une entité bloquée, et pour survivre elle devra évoluer.

Qui aurait tenté, au début du XXème siècle, de juxtaposer les termes « pape » et « droits de l’Homme » (ce qui aurait eu pour conséquence une excommunion de l’impétrant dans les plus brefs délais), alors que c’est ce qui sera « osé » pour qualifier Jean-Paul II cent ans plus tard ? Evolution utile n’est-il pas ?

Il est donc temps de cesser de stigmatiser les homosexuels, de les qualifier d’inaptes à élever convenablement un enfant, mais  il est grand temps également de mettre un terme aux quolibets d’une minorité.

Remettre au centre du débat l’enfant, c’est se recentrer sur son besoin d’amour à recevoir d’un parent, quel que soit la sexualité de celui-ci.

L’égalité passe par là.

Arrêtons enfin de dire que l’Humanité va s’éteindre sur le long terme car les enfants ayant été élevés par des homosexuels le deviendront à leur tour. Rappelons nous simplement que pour le moment les homosexuels sont tous fils et fille de parents hétérosexuels…

Vincent OLLIVIER

Dernières minutes : le projet de loi “ouvrant le mariage et l’adoption aux homosexuels” vient d’être adopté en conseil des ministres, mercredi 7 novembre et doit passer au parlement en janvier prochain.