Cinema
The Fabelmans: une ode au cinéma.

The Fabelmans: une ode au cinéma.

Sorti le 25 janvier 2023, le dernier film de Steven Spielberg, The Fabelmans, remporte le prix du meilleur film dramatique ainsi que le prix du meilleur réalisateur lors de la 80ème cérémonie des Goldens Globes. Dans ce film très personnel, le cinéaste américain raconte de façon autobiographique son enfance, sa découverte et sa passion pour le cinéma et les difficultés de couple de ses parents.

Le film s’ouvre sur un soir d’hiver 1952. Sammy, alias Steven Spielberg enfant se tient pour la première fois devant un cinéma, entouré de son père et de sa mère, dont on ne discerne pas les visages, masqués par les contours du cadre. Le petit Fabelman ne veut pas se retrouver dans la « grande salle noire ». Son père Burt se fléchit alors, pour se mettre à sa hauteur et le rassure en lui expliquant le principe technique de la projection cinématographique et de la persistance rétinienne. Puis sa mère Mitzi, à son tour, s’agenouille et lui dit : « Les films, mon chéri, sont des rêves que tu n’oublies jamais. ». S’en suit une scène de mise en abyme, « de films dans le film » où Sammy et ses parents voient le film cultissime Sous le plus grand chapiteau du monde de Cecil B DeMille. Le petit Sammy avait raison de se méfier du cinéma car une scène d’accident ferroviaire va le traumatiser à vie. De son premier contact avec le feu des images, Sammy garde les yeux brulés. Il ne cessera de filmer son traumatisme qui le hante, en recréant cette scène d’accident, avec le train électrique que lui a offert son père. Sa vocation pour le cinéma est née de cet accident. Steven Spielberg est alors « contaminé » par le cinéma. Le rapport de Steven Spielberg avec le septième art peut être rapproché des propos d’Orson Welles : « Faire des films, c’est comme jouer avec le plus grand train électrique qu’un enfant n’ait jamais eu ». Aujourd’hui, âgé de de soixante-dix-sept ans, Spielberg construit ce film intimiste, autour de son émerveillement adolescent pour le cinéma et de son histoire familiale.

Sammy-Spielberg en symbiose totale avec le cinéma

© Universal Pictures –
Mateo Zoryan Francis-DeFord as younger Sammy Fabelman in The Fabelmans, co-written, produced and directed by Steven Spielberg.

Dans le début du film, lorsque Sammy visionne Sous le plus grand chapiteau du monde, il est en fusion avec le cinéma. Durant cette scène, son visage obstrue la lumière du projecteur. On ne perçoit que la lueur de ses yeux, comme une union parfaite entre son regard et la lumière émise par le projecteur. Cette idée revient lorsqu’il projette son premier film sur ces mains. Le projecteur étant hors champs, le spectateur a l’impression que l’image est projetée de ses yeux. Son regard semble être la caméra et la caméra fait partie de son corps. Plus tard, lors de la scène de séparation de ses parents, Sammy, sonné, s’imagine, reflété par le miroir du salon, en train de filmer ce moment dramatique. Cette scène s’enchaine avec une séquence où Sammy se remet au montage du film destiné à son lycée. La transition entre ces deux scènes dans un fondu enchainé où le visage de Sammy est découpé par les bobines montre le lien étroit de symbiose que Sammy entretient avec le cinéma. De même, dans la scène du bal de fin d’année, Sammy présente le film qu’il a réalisé sur la fête de son lycée sur les plages californiennes. Dans ce film, Logan, étudiant de son lycée dont Sammy est le souffre-douleur est montré comme une divinité. Cette scène montre la puissance des images et l’art de Sammy qui, par le montage du film, lui permet de réorganiser le monde. Encore une fois l’œil de Sammy est sur certains plans découpés par la bobine. Dans cette autobiographie, Spielberg interroge ainsi les fonctions du cinéma. Comment peut-on transmettre des émotions à travers la caméra ? The Fabelmans se démarque par sa façon d’approcher au plus près de l’épicentre de son cinéma. L’enchainement méticuleux des plans permet à Spielberg de dresser un récit complexe et puissant sur l’histoire de sa vie.

Dans The Fabelmans, Steven Spielberg regarde à la loupe son cinéma

© Universal Pictures

Le film multiplie les références à la filmographie de Spielberg. En se passant en grande partie dans les banlieues pavillonnaires, lieu de l’enfance de Spielberg, on y retrouve les ambiances presque étranges et fantastiques décrites dans d’autres films comme E.T. Dans The Fabelmans, Sammy a un placard dans sa chambre qui est son jardin secret où il projette ses films. Ce placard ressemble à celui d’Elliott, personnage principal d’E.T., où est caché l’extraterrestre. Le placard, qui est également une sorte de repaire intime où le jeune Sammy peut voir le résultat de ses réalisations en les projetant au mur, va aussi être le lieu de confidences de Sammy avec sa mère, où il dévoile le secret familial. Cette scène, très tendue, peut être aussi celle d’une réconciliation. Si la version revisitée de West Side Story par Spielberg, était dédiée, comme l’indiquait le générique, « for Dad », The Fabelmans est un film ouvertement tourné pour sa mère, dont Spielberg compose le portrait. La mère de Sammy, Mitzy est une femme pleine de rêveries qui l’absorbent. À l’opposé de son mari, Mitzy se place presque du coté de la fiction et de l’imaginaire, dans la lumière très importante du film. La lumière, qui éblouit comme les phares de la voiture lors de la danse de Mitzy dans la scène du camping. Autre exemple, lorsque le talon de la chaussure de sa mère perce sa partition de piano, Sammy perce la pellicule à coups d’aiguilles afin de strier l’écran de flashs aveuglants, comme effets spéciaux de tirs de pistolets. La lumière spielbergienne renvoie également à la scène de Rencontre du troisième type où Roy Neary est ébloui par les projecteurs des soucoupes volantes. Les trous dans la pellicule peuvent faire également référence à l’ouverture de Minority report lorsque le personnage de Tom Cruise intervient, alors qu’un crime se produit et qu’un enfant est en train de percer des trous dans les yeux d’un masque de Lincoln. Enfin la scène où Sammy filme ses copains dans le désert de l’Arizona pour réaliser son western, rappelle une scène d’ Il faut sauver le soldat Rayan : Le jeune adolescent qui joue le soldat dans The Fabelmans est débordé d’émotions lorsqu’il prend conscience qu’il a perdu tous ses camarades, comme dans la séquence où Tom Hanks alias le capitaine Miller se met à pleurer.

Dans ce film fabulé, Steven Spielberg révèle tout son amour du septième art et son talent de cinéaste. Un grand moment de cinéma.