France
Merci Sissi !

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Enfin vendus ! Champagne ! 

Le Rafale, avion militaire multirôle du constructeur aéronautique français Dassault Aviation, a finalement trouvé preneur à l’étranger, le 16 février 2015 [1], trente ans après son premier vol, et quinze ans après sa mise en service [2].

Et ce client imprévu n’est ni indien, ni coréen, ni koweïtien, ni émirati, ni qatari, ni marocain, ni malaisien, ni brésilien, ni belge, mais bel et bien égyptien [3]. En effet, c’est le président Abdel Fattah al-Sissi lui-même qui a choisi l’avion de combat français pour renforcer son armée de l’air occupée à bombarder les positions de « l’État Islamique » en Libye [4]. Et la rapidité – seulement quelques mois – avec laquelle l’accord s’est conclu est pour le moins inhabituelle. Pour rappel, l’Inde est en négociation avec la France depuis février 2012 pour l’achat de 126 appareils [5].

Deux Rafales français évoluant cote à cote en mars 2012
Cependant, du point de vue historique, ces contrats ne sont pas une surprise.

En effet, en 1981 déjà, les égyptiens avaient été les premiers clients étrangers à s’offrir le Mirage 2000 (la commande portait alors sur 20 appareils) [6]. De plus, l’Égypte avait déjà manifesté de l’intérêt pour le Rafale, à l’été 2011 (quelques mois après la chute du régime de Hosni Moubarak). Et à cette époque, le chef du renseignement militaire égyptien n’était autre que… le maréchal Al-Sissi [7]. Ainsi, des pilotes égyptiens avaient essayé l’avion français. Seulement, le contexte géostratégique régional avait rendu la France réticente à l’idée de vendre entre 12 et 20 appareils aux militaires au pouvoir, et notamment au maréchal Hussein Tantaoui [8]. L’information sortit un an plus tard (fin 2012), suite notamment à la publication d’un article du journaliste de La Tribune Michel Cabirol (qui est encore le premier à révéler début février 2015 la signature proche des contrats [9]) qui fut intitulé : « Et si l’Égypte avait été le premier client du Rafale… » [10]. Mais jusqu’alors, aucun contrat n’avait été signé.

Bien sûr, l’ensemble (ou presque) de la sphère politico-médiatique française s’est immédiatement réjouie de cet accord [11].

D’autant qu’en plus des 24 Rafales, la commande de ce début d’année 2015 porte aussi sur une frégate furtive FREMM (Classe Atlantique) du groupe naval français DCNS, des bombes guidées 2ASM de l’entreprise française Sagem, ainsi que sur des missiles MBDA [12]. Le tout pour un montant d’environ 5,2 milliards d’euros, avec un acompte compris entre 10% et 15% de la somme.

Cependant, l’Égypte ne va financer par ses capitaux propres « que » moins de la moitié du montant total de la commande (soit plus de 2 milliards d’euros).

Pour le reste, elle va l’emprunter à des banques françaises, à des taux inférieurs à ceux du marché pour un pays dans la situation économique de celui du maréchal al-Sissi. L’État français quant à lui, se porte garant auprès des banques à hauteur de 50% de la valeur totale du contrat [13]. Ceci, à travers la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface), agence privée, qui continue malgré tout à garantir pour le compte de l’État des contrats d’exportation civils et militaires. Ainsi, les frais de gestion sont assurés par l’État, et dans le cas où l’Égypte ferait défaut sur le remboursement des prêts, ce serait à lui, en tant que caution, de rembourser plus d’un milliard d’euros aux banques françaises.

Toutefois, force est de constater que ce ne sera pas la première fois que ce « bijou technologique » au prix exorbitant (plus de 100 millions d’euros l’unité [14]), coûtera aux contribuables français son pesant d’or.

En effet, bien que le coût global du programme Rafale ait d’abord été estimé à la modique somme de 25,6 milliards d’euros à son lancement en 1985 [15], il a grimpé au fil des années et des décennies pour dépasser aujourd’hui les 43 milliards d’euros [16]. Soit plus d’un sixième du déficit de la Sécurité sociale [17]. Mais le chef d’entreprise Serge Dassault, lui, ne connaît pas de déficit, du haut de sa fortune estimée à près de 15 milliards de dollars, faisant de lui le 62e homme le plus riche du monde [18].

[1] Jour de signature des contrats par les deux parties.
[2] Source : http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/02/12/le-rafale-27-ans-d-attente_4575585_3234.html
[3] Source : http://www.lefigaro.fr/societes/2015/02/12/20005-20150212ARTFIG00478-hollande-confirme-l-achat-de-24-rafale-par-l-egypte.php
[4] Source : http://www.lejdd.fr/International/Afrique/Vente-des-Rafale-les-coulisses-d-une-grande-premiere-718092
[5] Source : http://www.challenges.fr/france/20150222.CHA3290/rafale-le-drian-veut-relancer-les-negociations-avec-l-inde.html
[6] Source : http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/02/10/l-egypte-approuve-le-contrat-rafale_4573455_3234.html
[7] Source : http://www.bastamag.net/Malgre-les-tortures-et-la
[8] Source : http://www.portail-aviation.com/2015/02/rafale-en-egypte-premier-contrat-export.html
[9] Source : http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/20150206tribb88ee10a1/rafale-et-fregate-fremm-l-accord-que-la-france-a-propose-a-l-egypte.html#xtor=EPR-2-[industrie-services]-20150209
[10] Source : http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/20121021trib000726256/et-si-l-egypte-avait-ete-le-premier-pays-client-du-rafale.html
[11] Source : http://www.liberation.fr/politiques/2015/02/13/emmanuelle-cosse-maintient-que-le-rafale-est-un-ratage-industriel_1201745
[12] Source : http://www.lefigaro.fr/societes/2015/02/16/20005-20150216ARTFIG00409-au-caire-la-france-et-l-egypte-signent-le-contrat-du-rafale.php
[13] Source : http://www.lopinion.fr/blog/secret-defense/rafale-comment-l-egypte-va-t-elle-payer-21335
[14] Source : http://www.challenges.fr/entreprise/20140624.CHA5348/le-qatar-cloue-encore-le-rafale-de-dassault-au-sol.html
[15] Source : http://www.mediapart.fr/journal/france/200913/dassault-cent-ans-de-subventions
[16] Source : http://www.marianne.net/blogsecretdefense/Le-Rafale-trop-cher-Bienvenue-au-cafe-du-commerce-_a452.html
[17] Source : http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/10/01/le-trou-de-la-secu-explique-en-quatre-points_4498114_4355770.html
[18] Source : http://www.forbes.com/profile/serge-dassault/